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Lanael Logan
31 décembre 2012

Un homme, un amant, une femme.

Je marchais le long de l’avenue, ne regardant ni les vitrines, ni les passants et encore moins les voitures qui circulaient. L’une d’elles avait déjà failli me renverser alors que je traversais dans un état second. Je venais de quitter mon compagnon pour aller bosser, et ce qu’il venait de m’annoncer, me rendait dingue.

            Le pire, c’est que je n’avais rien vu venir, alors que nous nous fréquentions depuis nos années de lycée. Nous avions fait tous notre cursus scolaire dans les mêmes écoles. Nous vivions ensemble depuis huit ans maintenant. Il était parti trois mois en déplacement autour du monde, Japon, Chine, Etats-Unis, Corée, Russie pour la promotion de sa boîte, et la première chose qu’il m’avait annoncée en rentrant, c’est qu’il s’était marié !

            Mais qu’est-ce que j’avais fait au bon dieu pour mériter ça ? Je m’étais fait virer de chez moi quand j’avais annoncé que j’étais gay. Ça, je m’y étais un peu attendu, mes parents étaient très…non, très…Ce n’est pas ça non plus. Je dirais « fermés » pour ne pas être irrespectueux, malgré tout ce que j’avais pu entendre ce jour-là dans la bouche de mon père. Je m’y étais préparé et j’avais donc fait en sorte d’avoir fini mes études, trouvé un job de créatif dans la pub, avant de leur présenter officiellement Mathieu, car ils le connaissaient déjà depuis longtemps.

            Alors, après tout ce temps partagé avec lui, j’avais un peu de mal à intégrer cette information. Marié ? En trois mois ? Avec qui ?

            Un klaxon me fit sursauter. J’étais arrêté en plein milieu de la rue et les voitures attendaient impatiemment que j’ai fini de circuler pour passer. Le feu était vert, et j’eus le droit à un véritable concert.

Je pressais le pas. Je n’avais pas tellement besoin d’arriver en retard au boulot. Il ne manquerait plus que je me fasse virer pour parachever le tableau de ma déchéance.

— Nicolas, vous n’êtes pas en avance !

Mon patron arrivait pile derrière moi. Ça ne s’arrangeait pas.

— Je sais, mais je ne suis pas encore en retard, répondis-je dans un sourire factice. Après tout, j’étais cadre et je faisais suffisamment d’heures sup’ pour qu’on ne vienne pas me reprocher une minute, tant que ça ne bousculait pas l’emploi du temps des autres. Je récupérais mes dossiers et filais en réunion. Je n’avais rien à dire aujourd’hui, ça me permettrait peut-être de réfléchir à la situation.

Installé sur ma chaise aussi confortablement que possible sans paraître pour autant désinvolte, je laissais mon collègue faire sa présentation, après nous avoir présenter la nouvelle collaboratrice, Marion, en charge de créer les événements favorisant le développement de la société. C’était la mode.

La réunion se terminant, elle prit la parole pour expliquer ce qu’elle attendait de nous. Malgré tous mes soucis, je finis par m’intéresser à ce qu’elle avait à raconter. Elle était intelligente, sympathique et très mignonne. C’était bien la première fois qu’une telle pensée sur une femme me traversait l’esprit. J’étais vraiment perturbé.

Je retournais dans mon bureau au lieu d’accompagner mes collègues au self. J’avais vraiment besoin de calme pour réfléchir, et je n’avais pas faim.

Je tournais mon fauteuil vers la fenêtre et regardais Paris, qui s’étendait devant moi. Je soupirais.

J’étais plutôt mal. Si Mathieu s’était marié, il allait forcément me quitter. J’allais me retrouver seul dans notre appartement, sans l’amour de ma vie. Les larmes me montaient aux yeux. Un toc discret à ma porte me fit sursauter. J’essuyais la preuve de ma tristesse d’une main rapide et me tournais de nouveau vers mon bureau.

— Entrez, dis-je le nez penché sur un dossier, que je consultais sans en comprendre un traître mot.

Une tête brune passa dans l’entrebâillement de la porte, je reconnus aussitôt Marion.

.— Vous ne venez pas déjeuner ? demanda-t-elle.

— Je vous remercie, mais pas aujourd’hui, répondis-je poliment. Je n’allais quand même pas tout de suite me la mettre à dos. J’avais déjà suffisamment d’ennemi dans les machos de la boîte. Une femme pouvait toujours devenir mon alliée.

— Je peux… demanda-t-elle alors en désignant la chaise devant mon bureau.

Je haussais la tête pour confirmer, me demandant ce qu’elle voulait.

— Vous n’êtes pas comme les autres, ici, répondit-elle. « Ils sont un peu lourds, si vous voyez ce que je veux dire ».

— Je vois, mais en quoi puis-je vous aider ? demandais-je.

— Si vous me donnez juste une excuse pour ne pas déjeuner avec eux, et qu’éventuellement vous me tenez compagnie, ça sera déjà parfait. Je viens d’arriver à Paris, je n’y connais quasiment personne, conclut-elle avec un sourire.

Malgré mon homosexualité, son sourire remua quelque chose au fond de moi. Je le lui rendis.

— Souhaitez-vous déjeuner, ou préférez-vous rester cachée ici ? demandais-je alors. Je décidais de remettre mes interrogations au soir, lorsque je pourrais avoir des réponses concrètes, Mathieu devant repasser chercher des affaires par la maison.

— Emmenez-moi déjeuner, répondit-elle dans un sourire rayonnant.

Je l’emmenais alors dans un petit resto qui servait des salades composées bios. Son sourire à cette vue me fit vraiment plaisir. Nous avions les mêmes goûts alimentaires. Le repas se déroula dans un dialogue sympathique. Au moment de retourner travailler, elle se pencha vers moi et déposa un baiser mutin sur mes lèvres. Je sursautais, surpris, mais ne dis rien.

Mathieu était passé récupérer ses affaires. Il avait pour ainsi dire déménagé. Il m’accordait pourtant un moment de tendresse à chacune de ses visites, mais quelque chose semblait cassée en moi. Je n’appréciais plus autant ses caresses. Il devait probablement les porter aussi à cette femme, le seul fait de l’imaginer me faisait mal. Il refusait de me la présenter, disant que ça viendrait, mais qu’elle n’était pas au courant pour nous. Je ne comprenais pas où il voulait en venir. J’avais beau lui demander d’être clair sur sa position, il éludait ou se sauvait à chacune de mes questions.

Je voyais ma vie se déliter progressivement, mais il passait presque chaque soir. Seule la stabilité de mon boulot me maintenait à flot, ainsi que mes déjeuners réguliers avec Marion. Elle me rendait le sourire, je ne pensais plus à Mathieu en sa présence. Elle couronnait chaque fin de repas d’un baiser, et si je ne comprenais pas pourquoi, je n’osais pas pour autant lui poser la question. Je commençais à craindre de la faire fuir si je lui avouais toute la vérité, ou si je lui posais la question.

Ca faisait deux semaines que durait ce petit jeu, quand un collègue nous aperçut. Il se mit à rire :

— Alors ça, l’homo qui se tape la petite nouvelle, c’est la meilleur de l’année. Tu caches bien ton jeu, me dit-il moqueur.

Marion me regarda de côté sans rien dire, puis le fusilla du regard. Elle se leva et regagna seule le bâtiment. Personnellement, j’eus le droit aux sarcasmes de notre perturbateur jusqu’à la porte de mon bureau. Heureusement, il avait une réunion, et m’abandonna donc là. J’entrais et m’appuyais dos à la porte les yeux fermés en soupirant de soulagement.

— Tu aurais pu me le dire, dit alors Marion d’une voix douce.

Mon fauteuil pivota sur lui-même. Elle était assise au fond Elle semblait perdue dedans. Sa petite taille la dissimulait aux yeux de tous.

— Te dire quoi ? grommelais-je.

— Que je ne t’intéressais pas.

— Pourquoi mentirais-je ? demandais-je alors. Je fermais ma porte à clef, sentant une grande discussion arrivée. Personne ne pouvait plus nous déranger. Je m’assis sur la chaise qu’elle avait occupée quelques jours plus tôt.

Elle me regardait intensément, cherchant à comprendre ce que je venais de dire. Je n’en savais pas plus qu’elle. Mes pensées chaotiques m’entraînaient de ma relation avec Mathieu, qui prenait l’eau, à ses baisers légers. Je rougis.

Elle se leva et s’approcha de moi. Elle s’assit sur mes genoux et m’embrassa avec passion. Après quelques secondes, je lui rendis son baiser. Essoufflé, je lui pris la tête entre mes mains, son front posé contre le mien.

— Non, je ne peux pas, soupirais-je en pensant à Mathieu. Pourtant, il m’avait trahi. Mais, je n’étais pas comme ça.

— J’ai quelqu’un, repris-je.

Elle redéposa un baiser léger sur mes lèvres avant de se relever.

— Je comprends, dit-elle. Elle regardait Paris par ma fenêtre, et je réalisais alors que je la désirais. Je m’apprêtais à la saisir par la taille pour la ramener vers moi, lorsqu’elle reprit la parole.

— Moi aussi.

Ma main retomba, impuissante.

Mon cerveau entrait en ébullition. Elle m’avait fait des avances alors qu’elle était en couple.

— Je me suis mariée récemment, me dit-elle alors.

Je m’étranglais à moitié, ma gorge laissant échapper un gémissement suraigu.

— Je hais les mariages, soupirais-je alors, repensant à Mathieu.

— Je suis sûre que mon mari voit quelqu’un, me dit-elle alors, en se tournant vers moi pleine d’espoir.

— Je vais demander le divorce, conclut-elle.

— Mon compagnon vient de se marier, il va me quitter, lui répondis-je alors.

Son visage s’éclaira. Elle se dirigea vers la porte, m’embrassant au passage :

— Je te retrouve à 17h30 en bas, me dit-elle.

J’acquiesçais, les idées perdues dans une réflexion sans fin sur ce qu’il m’arrivait. Elle partit sans se retourner. L’après-midi traîna en longueur, mais l’heure de la retrouver arriva enfin. Je l’entraînais chez moi.

Nous étions assis sur le canapé, mal à l’aise, discutant de chose et d’autre, nous volant des baisers à l’occasion, mais sans oser aller plus loin, lorsque la clef de Mathieu tourna dans la serrure. Je me raidis aussitôt.

— C’est lui ? demanda-t-elle doucement.

— Oui, répondis-je alors que la porte s’ouvrait.

— Nicolas, t’es où ? demanda Mathieu

Marion sursauta à cette voix. Elle se leva.

— Dans le salon, répondis-je alors que l’écho de ses pas résonnait dans le couloir.

Il entra dans le salon et se figea.

Je regardais la scène sans comprendre.

— Bonsoir Mathieu, dit Marion.

— Que fais-tu ici ? lui demanda-t-il.

— Et toi ?

C’est là que je compris, et j’éclatais de rire, un vrai rire, pour la première fois depuis le retour de Mathieu. Ils me regardaient, abasourdis. Je me levais, embrassais Mathieu avec fougue puis me tournais vers Marion, qui pâle, me regardait sans vouloir comprendre. Je m’approchais d’elle et l’embrassais à son tour, plus doucement. Mathieu eut un hoquet.

— Donc, pour tout mettre à plat, Mathieu, tu as épousé Marion, sans rien lui dire pour nous, et elle est persuadée que tu la trompes, ce en quoi elle n’as pas tout à fait tort. Déçue, elle s’est tournée vers son nouveau collègue, moi. Je comprends maintenant pourquoi tu l’as épousée, puisque c’est bien la seule femme qui me fasse cet effet-là.

Je les embrassais alors de nouveau, avec tendresse, attendant qu’ils acceptent enfin cette situation. Je n’étais plus l’homme abandonné, ni l’amant potentiel. J’étais, moi, heureux et amoureux de deux êtres qui s’aimaient et m’aimaient. Le jeu pouvait commencer, s’ils l’acceptaient.

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